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"Center Point Media-Shaker screen" at Siam Square Bangkok: MAF-04 open air screenings. Photo: Francis Wittenberger

NEW.WRITING: : Isabel Saij interviews Francis Wittenberger, who curated and managed the Media Art Festival 2004, (MAF04) in Bangkok, Thailand, 20-28 March, 2004.

BY: Isabel Saij, with Francis Wittenberger

POSTED: Monday 07 June 2004

 

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Isabel Saij (hereafter, IS): Pouvez-vous nous présenter le "Thailand New Media Festival 2004"?


Francis Wittenberger (hereafter, FW) : Le "Thailand New Media Art Festival" (MAF-04 Bangkok) est organisé et produit par ICECA Thailand (Initiative for Cultural Exchange and Computer Arts - Initiative pour les échanges culturels et la création artistique à l‘ordinateur). http://thailand.culturebase.org/MAF04

MAF-03 a été pionnier en tant que „Media Art Festival“ en Thaïlande et MAF-04 témoigne de son caractère annuel.
http://thailand.culturebase.org/festival2003
http://thailand.culturebase.org/documentation.html

MAF combine un programme d‘échange culturel avec la présence sur place d‘artistes internationaux, des projections et des expositions d‘oeuvres interactives créées à l‘ordinateur.
http://thailand.culturebase.org/MAF04/docu_pic/maf04-docu-01.htm
http://thailand.culturebase.org/MAF04/docu_pic/maf04-docu-02.htm
http://thailand.culturebase.org/MAF04/docu_pic/maf04-docu-04.htm
http://thailand.culturebase.org/MAF04/docu_pic/maf04-docu-05.htm
http://thailand.culturebase.org/MAF04/docu_pic/maf04-docu-06.htm

Le Festival n‘est pas destiné à être un événement unique mais il s’inscrit dans le cadre de manifestations se déroulant tout au long de l‘année.
http://thailand.culturebase.org/activity.html
http://thailand.culturebase.org/events/sfx

ICECA et MAF ont pour principal but d‘introduire les nouveaux médias et les créations artistiques à l‘ordinateur en Thaïlande où l‘héritage culturel est „trésor national.“ En Thaïlande la technologie moderne a déjà atteint la vie de tous les jours, tandis que l‘art reste artisanal.


Peu de temps après avoir réalisé mon premier projet en Thaïlande, j‘ai remarqué la créativité des artistes thaïs et réalisé qu’ils avaient ce potentiel leur permettant d'avoir une grande influence dans la scène globale des nouveaux médias. Ceci m‘a conduit à rester et à fonder ICECA.

ICECA, qui n‘est pas à proprement parler une institution, collabore maintenant avec diverses institutions thaïes et des organismes culturels internationaux actifs en Thaïlande.

ICECA propose des ateliers et des présentations qui sont actuellement en cours d‘extension : InFoMAT (Forum international pour artistes nouveaux médias et théoriciens) et NEXUS offrent au public thaï des occasions d‘interagir avec des artistes internationaux des nouveaux médias (y compris ceux utilisant les technologies les plus récentes) en prenant part à des projets d‘échanges culturels par fusion de réseaux artistiques. Au delà du Festival annuel qui présente une grande diversité de créations internationales, il faut citer: „MAF-DNL“: la bibliothèque d'art digital en réseau du festival. Cette collection permanente est destinée à la conservation, et offre l'accès à une part de la collection du festival, avec l'accord des auteurs. Le contenu est actuellement présenté à la bibliothèque/au laboratoire digital de l'alliance française à Bangkok. Des négociations vont par ailleurs permettre à DNL de s'ajouter très bientôt et de manière permanente à la bibliothèque centrale de l'université Srinakarinwirot.

IS: Comment en êtes-vous venu à organiser et diriger un festival nouveaux médias en Thaïlande ?


FW
: Mes premières rencontres en Thaïlande ont eu lieu en 1989. Mon intérêt se centrait à l'époque davantage sur les studios d'enregistrement audio. Il m'a fallu 12 ans avant de pouvoir revenir sur place et y rester plus d'un mois. En 1996, l'artiste Boris Svirsky et moi-même avons travaillé sur un projet sofware-art : "SEC" (Secondary conciousness) http://uco.org.il - dont l'une des composantes est devenu le "robot Oman". http://oman.berlin.heimat.de. Un robot globe-trotter en chaise roulante. Oman a été Invité à Eu-Ka-Beuk, à une exposition au nord de la Thaïlande, et c’est ainsi que les choses ont commencé :
Le robot Oman a été cassé par la douane thaïe qui a voulu examiner de „l’art contenant un ordinateur“. Oman était cassé, et pendant que j’essayais de le rafistoler pour une exposition au musée d’art de Chiangmai, j’ai rencontré des thaïs, étudiants en art. Ces étudiants étaient fascinés par l’idée d’un projet art et technologie, et j’étais fasciné par leur intérêt et leur habileté.

Moins de deux mois plus tard, je repartais d’Europe avec une subvention du Kunstpunkt Berlin (www.Kunstpunkt.com) pour réaliser ICECA. Au bout de plusieurs mois d’une activité réussie, les sponsors d’ICECA sont venus à Chiangmai. J’ai alors proposé un projet qui permettrait d’étendre le champ des activités d’échange culturel d’ICECA et d’atteindre un profil international. Ce projet portait le nom de „Thailand First New Media Art Festival“, et a duré 3 semaines, entre mars et avril 2003. Ce projet a été très difficile à réaliser, d’autant plus qu’il n’avait pas de financement et que la CMU (Chiangmai University) ne comprenait pas ce que pouvaient être les nouveaux médias. Le travail a cependant été très gratifiant – Le timing était parfait, le festival ayant eu lieu en partie pendant les fêtes du nouvel an thaï- Plus de 4000 visiteurs sont venus au festival. L’université CM a très vite réalisé l’immense intérêt de l’audience locale pour les arts nouveaux médias.

IS: Quelles sont les différences dans l’organisation et la direction d’un festival en Thaïlande et en Europe ?

FW: Les différences sont nombreuses :
Les Thaïs sont indirects. Le fait de dire non dans la culture thaïe est rare. Cela veut dire que pour toute question posée, vous devriez entendre un „oui“, un „intéressant“, un „nous allons vous répondre bientôt“, etc...Ce qui veut dire que sans la connaissance de certains codes culturels un producteur sera face à un mur invisible et se rendra compte trop tard que le „ oui“ était en fait un „non“. Si l’on propose par exemple quelque chose, il est possible que la réponse se fasse attendre sans fin.

Art = artisanat Il n’y a en Thaïlande quasiment pas d’art dans le sens où nous l’entendons en Europe; le public n’a jamais entendu parler de „musée“ et une galerie reste un lieu où le touriste achète quelque
reproduction colorée ou de l’art/artisanat traditionnel.
Lorsque l’on en vient à l’art des nouveaux médias, cela devient bien difficile à expliquer. Traduit littéralement : „sue-sillapa“ veut dire „ art média“, mais média = mass média (journaux, TV et radio) et art signifie artisanat. La plupart des gens vont donc comprendre que vous parlez de „design“, et ceci dans le meilleur des cas.

Les visiteurs montrent de l’intérêt et n’ont pas d’appréhension.
En Europe, on a besoin d’écrire „ ne pas toucher,“ ou „touchez ici, c’est interactif“ : en Thaïlande personne ne touchera à quelque chose qui semble fragile, et ne détériorera rien.
Même les consignes de sécurité, les règlements sur ce qu’il est possible de faire ou de présenter, sont différents: un câble de 220 volt peut traîner à même le sol sans que cela dérange, et un artiste peut faire une performance, live, tout près du public, et utiliser une scie circulaire ou tout autre instrument „dangereux“ sans aucun problème.Quand il s’agit d’exposer des ordinateurs, personne ne va avoir peur de toucher ou
d’interagir. Les gens n’auront pas peur de dire „je ne comprends pas“ ou „montrez moi comment ça fonctionne“. Ils expérimenteront avec les travaux, même s’il ne sont pas sûrs du mode de fonctionnement du logiciel, et malgré que certains messages puissent se perdre du fait des barrières de langue et des différences culturelles.

L’attitude „punk“ et la rébellion, aussi bien que la pornographie, ne sont pas des sujets usuels. Les Thaïs sont heureux en mangeant, buvant, et en ayant une vie sociale extrèmement riche. Si vous leur présentez par exemple de la„musique électronique hardcore“, ils ne comprendront pas : „Pourquoi est-ce que les étrangers écoutent ce bruit“ sera la pensée la plus fréquente, et sans en dire plus, le Thaï, en général, se tournera vers le buffet pour aller y chercher une boisson ou une sucrerie, en attendant que le „bruit“ s’arrête. De même, la technologie en Thaïlande est quelque chose de „bien si ça fonctionne“. Personne n’aura de problèmes de langue avec le menu anglais de son tél.portable. Si sa technique propose des caractéristiques suffisamment utiles, le menu „Items“ (mot écrit en anglais) sera mémorisé en tant qu’icône, et à partir de là, la forme et son emplacement dans le menu feront office d’adresse pour accéder à des fonctions utiles. Ni plus ni moins.

Aucun financement. Il y a actuellement en Thaïlande une pleine compréhension de la part de la nouvelle génération en ce qui concerne le fait d’apprendre l’anglais et d’avoir une meilleure appréhension de la technologie. Tout Thaï sait que le fait d’en savoir plus dans ces domaines leur ouvrira davantage de portes pour gagner leur vie, MAIS le gouvernement n’est pas au diapason et il n’y a aucun soutien ou financement pour l’art contemporain, ne parlons même pas des arts nouveaux médias. En parlant de ma propre expérience, ayant lancé et dirigé ICECA (Initiative for cultural exchange and computer art) en Thailande depuis deux ans, il a été très difficile de lancer le projet car personne ne voyait à quoi cela pouvait bien mener concrètement. Mais dès l’instant où certains en ont compris l’intérêt, (directeur de musée par exemple) une puissante alliance s’est formée entre professeurs locaux et instances universitaires pour mettre la main sur ICECA, annulant son contrat avec l’université. Ce ne fut qu’une affaire de quelques jours pour que ce projet devienne „le leur“... L’ordinateur du bureau a été confisqué, les données supprimées, le mot de passe de l’adresse email changé, le site du projet, sur le serveur de l’université, a été remplacé par son propre clône. Tout a été fait pour tenter d’effacer toute trace du projet original. En bref „ L’art inutile“ est considéré comme tel et non financé. Mais dès qu’il y a une „odeur“ de profit, certains occupants des postes élevés essaieront de former un groupe hiérarchique puissant. Un artiste perdra ainsi sa propriété intellectuelle en faveur de l’enseignant, un bénévole perdra son dû, alors que d’autres pourront entendre et croire les rumeurs générées très haut dans la hiérarchie.

IS: Comment est-ce que les nouveaux médias, et en particulier le netart/webart sont accueillis en Thaïlande ?


FW
: Le domaine du jeu, en général, est très populaire en Thaïlande, et si les nouveaux médias ne sont pas trop éloignés de cette notion, il ne sera pas trop diffficile de les faire accepter. Cependant, le concept d’institutions culturelles apportant leur soutien à l’art (comme le ZKM par exemple) est impossible à imaginer. Aucun artiste thaï n’a jamais entendu dire d’aucun de ses professeurs, qu’une compagnie commerciale pourrait avoir le moindre intérêt à sponsoriser un projet, et un/une artiste thaï(e) ne croit en fait absolument pas pouvoir recevoir le moindre soutien pour réaliser son projet. Il ne faut pas oublier qu’un ordinateur en Thaïlande équivaut à 5 mois d'un salaire moyen. Un artiste ne peut en aucun cas être en mesure de posséder un PC, une caméra digitale, un scanner ou tout ce qui compose en sorte un studio personnel. Il en résulte donc qu’un artiste thaï ne peut pas penser en certains termes, comme le fait de réaliser une installation robotique ou produire une animation haute définition. C’est donc là que le webart intervient. Les thaïs sont d’excellents designers, et si les coûts de productions restent bas, on trouve des travaux intéressants, comme "Girl6.intro" http://www.plog7.com par l’artiste thaï : Sasis Suwonpakprak

IS: Je suppose que l’histoire thaïe, la culture thaïe, la religion (bouddhisme) conduisent à :
1-des créations spécifiques de l’artiste thaï?


FW: Oui, en effet – les artistes thaïs ont un rapport avec les arts graphiques et le design. Leur héritage culturel abonde d’exemples d’éléments design de très grande qualité et d’un étonnant niveau de détails. Tout ceci étant bien évidemment reflété dans toute image digitale qu’ils créent. La tranquillité et la paix font également partie de l’art thaï, de même que l’usage de milliers de couleurs pour une seule peinture est tout à fait courant. J’attends de voir comment cela va révolutionner le web design. Les sites thaïs sont en fait très tape-à-l’oeil et colorés, bien que la plupart n’aient pour l’instant rien à voir avec un contenu artistique, mais montrent avant tout leur idoles pop ou des jeux... Mais il y aura le moment où l’on aimera!

IS: 2-des attentes spécifiques, des réactions du spectateur par rapport aux créations d’artistes européens/ des USA?

FW: Le public thaï a été impressionné par de plusieurs projets, en voici quelques exemples:


Alfred Banze – Banyan Project
Commentaire: „C’est super de voir autant de gens des quatre coins du monde collaborer à un projet“ (projet plurinational, performances)

Natalia Borissova: serie de graphiques de performances VJ russes
Commentaire: „jolies images“ ( réactions par rapport aux tirages de photos pixellisées)

Hermelinde Hergenhahn, Day in Day out, Hollande
Commentaire: „ouah, autant de machines, mais le concept est bon“ / „Tout ça, combien est-ce que ça a coûté?“
(installation video ayant enregistré des évènements durant la journée et les restituant en projection durant la nuit dans la rue)

Kris Delacourt + Nico Dockx + Peter Verwimp + Christopher Musgrave, Building Transmissions video and noise music performance“, Belgique
Commentaire: „C’est intéressant mais je ne comprends pas“ (réaction par rapport à la „noise performance“). Certains n’ont pas supporté l’aspect sautillant du visuel.

Ma Yongfeng Swirl, art video, Chine
Commentaire: „Est-ce que le poisson est mort?“ (video montrant un poisson rouge lavé dans une machine à laver pendant un quart d’heure – rapport critique sur la condition des artistes en Chine)

Calin Man Esoth Eric, installation interactive, Roumanie
Commentaire. „Je ne sais pas comment on fait pour jouer à ce jeu“ (computer installation – interface digitale inattendue)

Przemyslaw Moskal Virtual and Real: K-Dron and Light,
3D interactive en version shockwave offline, USA

commentaire: „ C’est fantastique“ (graphiques 3D en temps réel)

Anouk De Clerpc + Anton Aeki + Joris Cool, Building video, Belgique
Commentaire: „ouah, je n’aurais jamais pensé que l’architecture puisse ressembler à de l’art“ (maquettes 3D d’architecture intérieure. Seulement des murs, des colonnes, rien d’autre, éclairés par des sources lumineuses mouvantes. Parfaite composition des mouvements, parfait rendu, video noir et blanc)

Juhani Koivumäki, elf portrait video, Finlande
Commentaire: „Est-ce que vous croyez que les Thaïs vont comprendre ce que vous voulez dire par-là?“ (remarque d’un directeur finlandais sur la problèmatique d’un film dur
et personnel)

Christian Hogue, motion graphics video/lecture/where industry meet the arts, GB
Commentaire: „C’est très bon et très intéressant“ (réaction quant à la qualité de réalisation des présentations graphiques en mouvement, extraits...)

IS: Y at-il des artistes thaïs (ou des artistes du sud-est asiatique) travaillant dans le netart/webart sur lesquels vous voudriez attirer notre attention ?


FW: En voici quelques uns :
Roopesh Sitharan, Malaysia, http://www.roopesh.net/
Aziz, Malaysia, http://www.triyae.com/
Sasis Suwonpakprak, Thailand, http://www.plog7.com/

IS: Comment voyez-vous le développement des pratiques dans le cadre des nouveaux médias en Thaïlande ?

FW: La Thaïlande se développe rapidement et a pris une orientation très commerciale. Malheureusement, s’il n’y a aucun soutien financier pour offrir une indépendance aux artistes, ils seront tous happés dans des projets commerciaux, leur seul moyen de survie.
C’est triste, et j’espère vraiment qu’ICECA, en atteignant certains artistes thaïs, permettra que leurs oeuvres puissent obtenir un soutien quant à leur réalisation et à leur présentation. Et si ce n’est pas possible en Thaïlande, du moins dans d’autres pays.
J’espère que, du fait qu’il y a eu autant d’artistes étrangers dans le cadre du festival de cette année, cela déclenchera un phénomène positif, et que des artistes thaïs puissent prétendre à des subventions étrangères pour réaliser leurs oeuvres, voyager et exposer de par le monde ce qu’ils ont à proposer.

Certains de ces artistes, „perdus dans le commercial“, gardent la tête hors de l’eau. Très peu d’entre eux parviennent à se payer un petit studio (hardwares + softwares indispensables). Quelques designers ont récemment été à l’origine de certaines initiatives – parties dj et vj – et de performances avec des artistes étrangers. Il en a été ainsi pour une part du festival MAF04, ......ainsi nommées “print party“ – un artiste thaï ,„konkrit“ ,et ses amis, ont fait évoluer des graphiques lors d’une intéressante session en live, en ce qu’ils ont généré et réutilisé des graphiques, et éventuellement créé des graphiques dans leur évolution, et qu’ils ont projetés et imprimés à la galerie Odyssee.

 

Ryan Keln (left down) exchanging ideas with a group of students fromthe Faculty of Fine Arts SW University
Photo: Francis Wittenberger   

 

 

 

 

a DJ + VJ session at the "Oddyssee Gallery" - Thai Artists were invited to perform re-form and and de-form images, sound and video at MAF-04 final "Print Party." Photo: Christian Hogue (Lost In Space)

 

 

 

a 3 person research group from Denmark attended MAF04 collecting information on Thai interest in New Media Arts. in the picture (left) Catherine Loiselle [not in the image: Julia Bohlmann, Gemma Mclintock]. Photo: Francis Wittenberger

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